2  Introduction

2.1 Audit Hôpitaux

Dans le cadre de la « redesign » des services publics, le gouvernement a créé un certain nombre de passerelles entre les administrations fédérales de la santé. L’unité Audit des Hôpitaux est le fruit de la collaboration entre le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement (SPF SPSCAE), l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) et l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS).

L’objectif de l’unité Audit des Hôpitaux est de faire l’audit des soins de santé organisés et dispensés par les hôpitaux. Il s’agit d’améliorer la qualité, l’efficience et l’utilisation optimale des ressources disponibles en matière de soins de santé. L’objet de cet audit thématique est la césarienne.

2.2 Raison de l’audit sur la césarienne

Selon le Rapport sur la Performance du système de santé belge de 2019 du KCE, en termes de mortalité néonatale, la Belgique obtient de bons résultats par rapport aux autres pays de l’OCDE. Toutefois, une tendance à l’augmentation (au niveau mondial) de la proportion de césariennes lors des accouchements suscite des inquiétudes. Bien qu’en Belgique l’augmentation dans le temps basée sur les chiffres de l’OCDE semble limitée et qu’elle soit inférieure à la moyenne de l’UE, on y note cependant une variabilité substantielle entre les hôpitaux. Selon le Rapport sur la Performance du système de santé belge du KCE, en 2016, le taux de césarienne se situait entre 16 % et 35 % en fonction des hôpitaux. Les accouchements représentent une part importante des séjours hospitaliers. Certains de ces séjours et des journées d’hospitalisation qui y sont associées sont dus à des césariennes.

Dans ce contexte, cet audit vise à comprendre la situation actuelle et les pratiques médicales en matière de césarienne en Belgique. L’accent y est mis non seulement sur la proportion de césariennes par rapport au nombre total d’accouchements, mais aussi sur la qualité et l’efficacité des soins prodigués.

Dans ce qui suit, nous allons nous aborder plus en détail les raisons mentionnées ci-dessus qui ont donné lieu à cet audit.

2.3 Évolution de la proportion de césariennes

La césarienne est une intervention chirurgicale au cours de laquelle l’enfant naît par une incision transversale pratiquée dans la paroi abdominale inférieure (laparotomie) et la paroi utérine (hystérotomie).

Selon une déclaration de l’OMS (2015), il n’existe pas de taux « optimal » de césarienne et l’intervention devrait être accessible à toutes les femmes chez lesquelles elle s’avère nécessaire d’un point de vue clinique. Sur indication médicale, il s’agit d’une intervention chirurgicale essentielle et susceptible de sauver la vie de la mère et de l’enfant. Aujourd’hui, toutes les césariennes ne répondent pas à ces critères. À l’échelle mondiale, le taux actuel de césarienne est de 21,1 %. Mais, on note une forte variation de ces taux entre les différents pays et régions. L’inégalité d’accès conduit à une sous-utilisation (« underuse » dans certains pays, associée à une morbidité et une mortalité accrues de la mère et de l’enfant. Les cas de « misuse » et d’« overuse » en revanche, n’ont pas un bon rapport coût-efficacité et donnent lieu à des complications de la procédure potentiellement évitables (Stordeur Sabine et al. 2016).

La recherche indique que si la tendance se poursuit, d’ici 2030, le taux mondial pourrait atteindre 28,5 %, avec une fourchette de 7,1 % en Afrique subsaharienne à 63,4 % en Asie de l’Est (Betran et al. 2021). C’est pourquoi les responsables politiques devraient observer la situation dans leur propre pays, en utilisant un système de classification universel tel que la classification de Robson. (World Health Organization 2017) , en tenant compte de la qualité des soins fournis, évaluée via des indicateurs de résultat pour la mère et l’enfant (Devos Carl et al. 2019).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d’utiliser le système de classification de Robson (World Health Organization 2017) pour suivre la proportion de césariennes et permettre une comparaison entre différentes institutions ou régions ou pays. Le système est basé sur les caractéristiques des femmes, à savoir l’état de la grossesse, les antécédents obstétricaux, le type de travail et d’accouchement et l’âge gestationnel. Ce système divise les mères en 10 groupes selon les caractéristiques de la mère et du fœtus pendant la grossesse. Les groupes sont basés sur des critères pertinents, à la fois exclusifs et totalement inclusifs.

En 2018, l’OMS a formulé une série de recommandations pour éviter les césariennes sans indication médicale (World Health Organization 2018). Les interventions recommandées sont les suivantes : éducation adéquate de la patiente, élaboration et mise en œuvre de trajets de soins cliniques fondés sur des données probantes, autoévaluation sur le sujet, feed-back aux prestataires de soins et à l’équipe, et possibilité de demander un deuxième avis en cas de doute.

2.4 Césarienne primaire vs. césarienne secondaire

Pour les besoins de la définition, nous faisons la distinction entre la césarienne primaire et la césarienne secondaire. Nous utilisons les mêmes définitions que le studiecentrum voor Perinatale activiteit en Flandre (SPE) et le Centre d’Épidémiologie Périnatale en Wallonie et à Bruxelles (CEpiP). La césarienne primaire est une césarienne programmée chez une femme dont les membranes sont intactes et qui n’est pas en travail. La césarienne secondaire est une césarienne non programmée qui n’a été décidée qu’au cours du travail ou de l’accouchement, même si la césarienne était initialement prévue mais a été avancée pour des raisons urgentes.

Selon une ligne directrice du NICE, il n’est pas recommandé de prévoir systématiquement une césarienne avant 39 semaines de gestation. Cela s’explique par le risque accru de morbidité respiratoire chez le nouveau-né, comme la tachypnée transitoire (TTN) et le syndrome de détresse respiratoire (SDR) (Prediger et al. 2020; Thomas et al. 2021), et la nécessité éventuelle d’une corticothérapie anténatale prophylactique ou d’une admission aux soins intensifs néonatals (Sotiriadis et al. 2021).

Un élément important concernant les césariennes primaires est celui de la prévalence des césariennes à la demande de la patiente en Belgique (Jenabi et al. 2020; O’Donovan et O’Donovan 2018). Les facteurs explicatifs de cette situation et les politiques des hôpitaux en la matière (« WHO Recommendations: Non-Clinical Interventions to Reduce Unnecessary Caesarean Sections » 2021).

2.5 Délai décision-incision dans la césarienne secondaire

Dans certains établissements, il arrive qu’une césarienne primaire puisse être programmée pour éviter une éventuelle césarienne secondaire qui ne peut pas toujours être réalisée dans les conditions les plus optimales. Cela s’explique notamment par le fait que le temps (délai) entre la décision de pratiquer une césarienne et le moment de l’incision sur la table d’opération peut être long dans certains cas, par exemple, quand le soutien n’est pas optimal pendant le service de garde.

Des études observationnelles récentes ont fait ressortir les principales raisons suivantes : le transfert de la patiente vers le bloc opératoire, les facteurs associés à l’anesthésie et le manque de ressources et/ou de personnel Gupta et. al.(2017) et Le Mitouard et. al. (2020) suggèrent que la mise en œuvre d’un protocole standardisé basé sur un code couleur pourrait améliorer le délai décision-incision (DDE).

2.6 Soins à faible variabilité et codage ICD-10-BE dans le contexte de la césarienne

Un objectif supplémentaire est celui du suivi des « soins à basse variabilité » (SBV), qui comprennent les séjours hospitaliers avec césarienne (SOI 1). Depuis l’introduction des SBV au 1er janvier 2019, certains séjours pour accouchement seront remboursés via un montant global prospectif. Il s’agit des séjours qui répondent aux critères suivants :

  • APR-DRG 540 : Césarienne en hospitalisation classique niveau de sévérité (SOI) 1. Présence nécessaire du code de nomenclature 424093 - 424104.
  • APR-DRG 560 groupe 1 : Césarienne sans anesthésie en hospitalisation classique niveau de sévérité (SOI) 1. Présence nécessaire du code de nomenclature 424093 - 424104.
  • APR-DRG 560 groupe 2 : Accouchements avec anesthésie en hospitalisation classique et niveau de sévérité (SOI)1. Présence nécessaire du code de nomenclature (intervention principale) 424023 - 423021 et d’un code de nomenclature en combinaison avec l’intervention principale 202020 - 202101 - 202204.

Nous renvoyons à l’audit « Soins à faible variabilité » des hôpitaux audités pour une analyse et un rapport plus détaillés sur ce sujet.

L’enregistrement correct du RHM étant important pour le système de financement des établissements de santé et la qualité des données pour les analyses (de qualité), cette partie est traitée dans l’audit par une analyse automatique du codage ICD-10-BE des années d’enregistrement 2017-2019 pour les séjours en APRG-DRG 540, et une vérification des codes enregistrés lors de la visite sur site.

2.7 Objectifs

Dans cet audit, nous nous sommes plus spécifiquement fixé les objectifs suivants.

2.7.1 Suivi de l’évolution des césariennes en Belgique

Dans cet audit, nous essayons d’observer la situation actuelle en Belgique. Nous voulons, entre autres, étudier quels sont les facteurs qui peuvent avoir un impact sur la proportion et l’évolution de la césarienne spécifiquement dans le contexte belge. Plus précisément, nous voulons cartographier et mieux comprendre la variation de ces proportions entre les différents hôpitaux. L’objectif, ici, est d’examiner l’influence des caractéristiques des hôpitaux et des patientes. Pour les caractéristiques hospitalières, il s’agit plus spécifiquement de l’organisation de la maternité, du trajet de soins des patientes et de la politique des hôpitaux en matière de travail et d’accouchement. En Belgique, la vision et la prévention des césariennes à la demande de la patiente constituent un point important à ce niveau.

2.7.2 Cartographie de l’évaluation pertinente de la qualité au moyen d’indicateurs de qualité pertinents

Sur base de la littérature disponible, des analyses, des avis d’experts et des résultats sur le terrain, nous tentons de formuler quelques recommandations et bonnes pratiques pour soutenir la politique et stimuler les initiatives d’amélioration de la qualité dans le domaine. Dans ce contexte, nous essayons d’identifier les indicateurs qui ont un impact sur la proportion de césariennes dans les hôpitaux. Par ailleurs, il est aussi important d’identifier des indicateurs de qualité pour évaluer la qualité des césariennes pratiquées.

2.7.3 Vérification des données

Un remplissage et une structure de qualité du dossier (électronique) du patient (DPE) favorisent des prestations de soins de qualité, sont nécessaires à une bonne continuité des soins et constituent la base d’une facturation et d’un enregistrement du RHM corrects. L’objectif est, d’une part, de rechercher les informations relatives aux procédures en place dans les hôpitaux en la matière et, d’autre part, de vérifier les procédures dans les dossiers du patient des séjours sélectionnés.

Un objectif spécifique d’Audit Hôpitaux est de contrôler l’application du codage ICD-10-BE et l’enregistrement du RHM. Ce contrôle est important pour le système de financement des hôpitaux. Depuis l’année d’enregistrement 2019, c’est également important pour l’application correcte du financement des séjours qui font partie des soins à basse variabilité.

2.7.4 Communication à la patiente et consentement éclairé

L’information correcte et en temps utile de la patiente est importante dans le contexte de soins de qualité. Elle est importante à toutes les étapes du trajet de soins périnatal. Lors du choix de la méthode d’accouchement, la discussion sur les avantages et les inconvénients ainsi que l’impact à court et à long terme (ainsi que sur les grossesses futures) revêt une importance particulière (« Pour chaque grossesse, un accompagnement sur mesure | KCE » 2022). Cette section traite spécifiquement des procédures entourant le consentement éclairé et la préparation de la sortie de l’hôpital.